Nuit de paix

Légende de Noël





Un soir, à la veillée la pauvre mère-grand nous contait:
" Les bourreaux du roi Hérode, féroces et tout couverts de sang,
fouillaient les maisons de Bethléem pour égorger tous les enfants à la mamelle.
La Vierge Marie, plus morte que vive, errait pendant ce temps-là dans les montagnes de Judée et,
pressant son nouveau-né sur son coeur tremblant, elle fuyait les égorgeurs.
Saint Joseph, dans la plaine, allait de masure en masure, demandant l'hospitalité: Personne ne voulait la lui donner.

Et voici que tout à coup des hurlements de mort vinrent percer le coeur de la mère de Jésus.
Elle tourna la tête et...et que vit-elle ?
Elle vit là-bas, au loin, les soldats d'Hérode qui les poursuivaient.
Aïe! Aïe! Aïe! Où se réfugier? Pas de grotte dans la montagne où pouvoir s'abriter.
Et elle vit, tout près d'elle, la rose qui s'épanouissait.
" Rose, belle rose, lui dit-elle, épanouis-toi bien et cache avec tes feuilles le pauvre enfant
que l'on veut faire mourir et la pauvre mère demi-morte."
La rose lui répondit:" Passe vit ton chemin, car les bourreaux, en m'effleurant, pourraient me ternir.
La giroflée est tout près d'ici. Va dire à la giroflée de t'abriter, et sans doute elle t'abritera."

"Giroflée, gentille giroflée, lui dit Marie, épanouis-toi bien et cache avec tes feuilles le pauvre enfant
que l'on veut faire mourir et sa mère demi-morte."
La giroflée lui dit: " Passe vite ton chemin. Je n'ai pas le temps de t'écouter; je suis occupée à me fleurir.
La sauge a toujours été le recours des pauvres gens."

" Sauge, bonne petite sauge épanouis-toi bien et cache avec tes feuilles le pauvre enfant
que l'on veut faire mourir et sa pauvre mère demi-morte."
Et tant et si bien s'épanouit la bonne petite sauge,
elle élargit tant ses feuilles et ses fleurs qu'elle abrita et cacha l'enfant Jésus et sa mère.

Et les bourreaux passèrent, la mère épouvantée, frissonna et Jésus souriait.
Et comme ils étaient venus, les bourreaux s'en allèrent.
Et quand ils furent partis, Marie et Jésus sortirent de leur refuge.
" Sauge, sauge sainte, grand merci, dit la mère."
Et la Vierge caressa de la main la sauge compatissante.
Et pendant que, déjà mère douloureuse, elle baignait des larmes de ses yeux feuilles et fleurs de la sauge, elle la bénit.
Et puis, Saint-Joseph rejoignit Marie et Jésus avec l'âne qu'un brave homme lui avait loué.
Et Marie s'assit sur l'âne, et Michel, l'Archange de Dieu,
descendit des hauteurs du ciel pour leur tenir compagnie et leur indiquer les plus courts chemins.

Et doucement, à petites journées, ils se rendirent en Égypte.
Et c'est depuis ce temps-là, mes enfants, ma pauvre mère-grand nous disait,
que la sauge a tant de vertus,et que l'on dit en Provence:
"Celui qui n'a pas recours à la sauge ne se souvient pas de la Vierge."

Hélène R
27/11/03



Midi:  White Lace
Composition originale
©copyright Mary Hession